Aujourd’hui nous allons parler d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Durant les 3 années de parcours PMA que notre couple a traversées, je n’ai eu de cesse de me renseigner pour tenter de comprendre au mieux tous les rouages de la fertilité, les causes de l’infertilité et les mécanismes de l’assistance à la procréation. Pourtant, parmi toutes mes recherches, ce n’est que très tardivement et à mes dépends que j’ai découvert la relation entre acides foliques, folates et gène MTHFR. Je suis intimement persuadée que si j’en avais eu connaissance plus tôt, notre parcours du combattant aurait été grandement raccourci et nous n’aurions pas eu à déplorer 3 fausses couches. Quoiqu’il en soit, c’est pour nous de l’histoire ancienne, mais je tiens à alerter et informer sur le sujet afin d’aider les couples qui ont, eux aussi, des difficultés à concevoir. Je ne suis ni biologiste, ni médecin mais je peux tout de même vous donner quelques explications, qui je l’espère, vous seront utiles. Ce que nous allons voir n’est pas la réponse à toutes les difficultés de procréation, ce serait bien trop facile. Chaque individu et chaque couple est à considérer avec ses particularités, mais la piste d’une mutation génétique mérite d’être considérée et explorée.


Vitamine B9, acide folique ou folate ?


Commençons par quelques définitions, pour bien comprendre la suite. L’acide folique et les folates sont tous deux des formes de la vitamine B9. Souvent ces trois termes sont utilisés de façon identique, même chez les professionnels de la santé, ce qui contribue à faire régner la confusion. Pourtant l’acide folique et les folates sont bien deux produits distincts, avec des effets différents sur la santé. Cette différence repose sur leur structure chimique et leur origine. Avant de nous attarder sur ces 2 formes de vitamine B9, nous allons voir en quoi celle-ci est indispensable à l’organisme et surtout à la mise en route d’une grossesse.

| La vitamine B9

La vitamine B9 est celle dont les déficits sont les plus répandus à travers le monde, notamment dans les pays industrialisés en raison d’une consommation insuffisante d’aliments riches en folates (légumes verts, fruits et abats) ou d’une cuisson prolongée et systématique des aliments. Elle est facilement détruite par une exposition prolongée à la lumière, à la chaleur ou à l’eau. En effet, cette vitamine est très fragile, elle est sensible à la chaleur, à la lumière et s’oxyde très rapidement. Pourtant, elle est d’une importance capitale pour la santé tout au long de la vie et notamment dès la vie fœtale. Elle joue un rôle majeur dans les processus métaboliques et la croissance parmi lesquels on retrouve :

  • la régénération et la croissance cellulaire (d’où l’importance dans le développement du foetus) ;
  • la production du matériel génétique (ADN, ARN) ;
  • la formation des cellules sanguines (les globules rouges et blancs) ;
  • la formation et le maintien d’un système nerveux sain (synthèse de neuromédiateurs) ;
  • l’assimilation des protéines (fabrication et transformation).

Une carence, ou du moins une déficience, en vitamine B9 peut se traduire par une anémie, des troubles de la mémoire, du sommeil, de la fatigue ou encore une irritabilité. Pendant la grossesse, les conséquences peuvent être plus graves en conduisant à :

  • des fausses couches à répétition (souvent liées à des anomalies lors de la réplication du matériel génétique) ;
  • des anomalies du développement des tissus maternels (placenta, circulation sanguine) ;
  • des anomalies de développement du fœtus (spina bifida, anencéphalie) ;
  • un retard de croissance du fœtus ;
  • une augmentation du risque de prématurité ;
  • des malformations.

La grossesse occasionne donc des besoins accrus en vitamine B9 qui sont, de nos jours difficiles à couvrir avec l’alimentation. C’est pourquoi l’ANSES recommandent un supplément de 400 μg / jour, deux mois minimum avant la conception et durant le premier mois de la grossesse. Seulement voilà, si tu es en essai bébé, vous devez très probablement vous supplémenter en vitamine B9 sous forme d’acide folique (ce que vous a conseillé votre médecin, votre gygy ou encore votre meilleure amie, tous bien intentionnés), et non sous forme de folates. La subtilité entre les 2, personne ne vous en parle, et pourtant elle est d’une importance capitale !

| L’acide folique et les folates

Pour faire simple : l’acide folique est la vitamine B9 synthétique (forme inactive) alors que les folates sont la vitamine B9 naturelle contenue dans les aliments (forme active).

L’acide folique est donc un composé chimique qui n’est pas naturel et qui nécessite d’être activé par une enzyme. S’il n’est pas transformé, il ne sert à rien et peut même être néfaste pour votre santé (mais ça on le verra plus tard). Lorsque l’acide folique est absorbé, il passe directement dans le sang sans modification. De là, il gagne le foie où il sera converti en TétraHydroFolate (THF) sous l’action d’une enzyme appelée la DiHydroFolate Réductase (DHFR). Il devient alors utilisable par l’organisme dans les cycles biologiques. Cette première étape peut être limitée en raison de facteurs génétiques. En conséquence, de l’acide folique non métabolisé (inutilisable par l’organisme) peut circuler dans le sang (des études relient une concentration importante sur de longues périodes à un risque de développer certaines maladies, dont certains cancers).

Le terme « folates » désigne l’ensemble des molécules qui ont une activité biologique de la vitamine B9, c’est-à-dire capable d’activer les gènes et voies métaboliques qui nécessitent de la vitamine B9 pour fonctionner.

Après digestion, les folates alimentaires naturels (qui existent sous différentes formes) sont :

  • soit transformés dans l’intestin en 5-MéthylTétraHydroFolate (5MTHF), qui est la forme la plus active de la vitamine ;
  • soit directement utilisables par le corps (déjà “méthylés”).

Même si l’alimentation n’est pas toujours suffisante, elle permet d’optimiser ses chances de couvrir les besoins en vitamines B9, et n’est donc pas à négliger en vue d’une grossesse. Pour cela il est conseillé d’inclure un maximum de folates alimentaires, contenus en grand nombre dans :

  • le foie animal (foie de volaille, boeuf, lapin…) et les abats ;
  • les légumineuses (pois chiches, haricots, lentilles…), germées c’est encore mieux ;
  • les végétaux à feuilles vertes foncées (épinards, asperges, brocolis, poireaux, choux de bruxelles…) ;
  • mais aussi dans la levure maltée, les céréales complètes, les œufs, les agrumes…

Pour profiter au mieux des folates contenus dans ces aliments, il est conseillé :

  • de les conserver au réfrigérateur, (pour les protéger de la lumière et de la chaleur) ;
  • d’éviter les cuissons prolongées en pleine eau (la vitamine B9 est hydrosoluble, elle risque donc de perdre ses propriétés dans l’eau de cuisson), et de privilégier les cuissons douces (à la vapeur ou à l’étouffée) ;
  • de les consommer les plus frais possibles, sinon surgelés (refroidissement très rapide juste après la récolte) mais pas congelés (refroidissement plus lent qui détruit la vitamine B9).

Pour résumer, l’acide folique a besoin d’une transformation pour devenir biologiquement actif, contrairement aux folates. Mais cela n’est pas suffisant. Pour être transformés en 5MTHF et exercer tous leurs pouvoirs biologiques, l’acide folique (et certaines formes de folates alimentaires) vont devoir subir une ultime transformation. Celle-ci est contrôlée par une enzyme, la 5,10-methylènetétrahydrofolate reductase (MTHFR), codée par le gène du même nom.


Mutation du gène MTHFR et impacts sur la fertilité


L’enzyme codée par le gène MTHFR est responsable de plusieurs processus dans le corps, notamment la capacité à utiliser le folate et la conversion de lhomocystéine en méthionine (un acide aminé indispensable contenu dans de nombreuses protéines). Elle permet également la méthylation des gènes ayant pour rôle de réparer l’ADN altéré, de gérer les hormones, de détoxifier le foie, d’intervenir dans le système immunitaire ou encore de produire des neurotransmetteurs et du glutathion (un antioxydant puissant).

Les mutations génétiques de ce gène sont très fréquentes car elles touchent environ 50% de la population. L’enzyme n’est alors plus fonctionnelle à 100% et ses différentes fonctions en sont altérées (augmentation de l’homocystéine, carence en vitamine B9, problème de détoxification…). La mutation la plus problématique est le génotype C677T qui réduit l’activité enzymatique d’ 1/3 chez les patients hétérozygotes (possédant un allèle sain et un allèle muté pour ce gène) et de 2/3 chez les patients homozygotes (possédant les 2 allèles mutés). D’autres mutations, plus ou moins problématiques, existent.

| Les conséquences sur la fertilité

Les femmes qui présentent des mutations du gène MTHFR ont des difficultés à métaboliser l’acide folique et les folates non méthylés, elles auront donc tendance à avoir des concentrations en homocystéine trop importantes et des carences en vitamines B9 (malgré l’apport d’acide folique ou de folates alimentaires), avec toutes les conséquences que cela implique. Le génotype 677TT est incriminé dans l’augmentation de 30 à 40% du taux d’avortement spontané de début de grossesse, de 40% le risque de problèmes vasculaires placentaires et de 20% celui de pré-éclampsie.

Et les hommes dans tout cela ? Combien de professionnels de la santé vous diront à quel point la vitamine B9 est importante pour la fertilité de l’homme ? Trop souvent, on se concentre sur la femme, oubliant que la fertilité est aussi une affaire masculine. Et d’ailleurs la mutation génétique du gène MTHFR touche aussi bien les hommes que les femmes et est tout aussi problématique pour la conception d’un petit être. Alors quand l’homme et la femme sont tous les 2 touchés par cette mutation, je vous laisse faire vos calculs de probabilités pour comprendre à quel point les chances de grossesse (et de bonne évolution) peuvent être réduites…

L’implication des troubles du cycle des folates et de la méthylation dans l’infertilité masculine s’explique d’abord par l’altération de la synthèse d’ADN qui, par conséquent, perturbe la spermatogenèse. La qualité de l’ADN spermatique est altérée, ce qui se traduit par une augmentation de sa fragmentation et de sa décondensation. Or l’intégrité de l’ADN des spermatozoïdes est essentielle pour une fécondation normale et un bon développement embryonnaire puis fœtal.

La fragmentation spermatique évalue le nombre de cassures ou de lésions du matériel génétique. Elle est normale et n’empêche pas la fécondation des ovocytes. L’ovule a en effet la capacité de réparer les chromosomes altérés (la nature est bien faite quand même !). Seulement cela est possible jusqu’à un certain seuil au-delà duquel l’ovocyte est dépassé ; le taux de fragmentation est alors trop élevé et les chances de conception et de développement embryonnaire correct s’amenuisent. Un fort taux de fragmentation est souvent également associé à la présence de radicaux libres qui agressent le brin d’ADN et le détériorent ; un traitement en antioxydants peut alors améliorer la situation.

La condensation (compaction) du spermatozoïde est nécessaire à la protection du génome paternel au cours du transit du spermatozoïde dans les voies génitales ainsi que dans les différentes phases de progression au cours de la fécondation. Lorsque l’ADN se décondense, les échecs de fécondation et de développement embryonnaire se multiplient.

| Comment savoir si l’on est porteur d’une mutation génétique du MTHFR ?

Fécondation

La seule façon de savoir si votre couple est concerné par une mutation du gène MTHFR est de faire une analyse génétique. Or celle-ci est rarement prescrite (certains centres d’AMP le proposent dès la première FIV, d’autres après 3 fausses couches, cela est assez variable). Celle-ci est relativement coûteuse et l’assurance ne couvre pas toujours ces frais, mais c’est le seul moyen de connaître clairement son profil génétique.

Par contre, il y a d’autres analyses qui permettent d’orienter vers une possible mutation. Il est possible notamment de doser l’homocystéine dans le sang ou d’étudier la fragmentation et la décondensation de l’ADN spermatique.

N’hésitez pas à en parler avec vos professionnels de la santé, ces analyses pourraient vous être prescrites.


Comment se supplémenter ?


Connaître précisément en quoi l’on se supplémente en décryptant les compositions des compléments alimentaires est donc indispensable.

Nous avons vu que l’acide folique doit subir plusieurs réactions avant d’être transformé en ce précieux 5MTHF. Selon votre profil génétique, votre statut nutritionnel ou votre environnement, il peut se révéler partiellement ou totalement inefficace. Dans ce cas, l’acide folique non métabolisé va s’accumuler dans votre corps, sans pouvoir être utilisé. Comme vous pouvez l’imaginer, introduire un composé non naturel qui stagne dans votre circulation sanguine n’est pas sans conséquences. Une augmentation des taux d’homocystéine (associés notamment à un risque accru de maladies cardio vasculaires), une faible production de glutathion (qui est un puissant antioxydant) et un déficit en folates (en bloquant leurs récepteurs) est alors probable. Ce qui diminue les chances de grossesse, comme vous l’aurez compris.

Dans ce cas, vous devez vous demander pourquoi une forme de folates active (méthylfolate) n’est pas systématiquement prescrite ? Et bien, la réponse est simple : l’acide folique est un produit stable, facile à produire et peu coûteux. Il est d’ailleurs remboursé par la sécurité sociale. En revanche, nous avons vu tout à l’heure que les folates sont très instables et sensibles. Lorsque l’on les met en gélule, ils s’oxydent rapidement, perdant ainsi toutes leurs propriétés. Mais heureusement, beaucoup de progrès ont été faits ces dernières années et des laboratoires ont réussi à créer des folates stables et directement biodisponibles (qui ne nécessitent aucune activation par une enzyme). On retrouve principalement les 3 formes suivantes :

  • Calcium L-5-MTHF ;
  • Folinate / sel de calcium 5-FTHF ;
  • Sel de glucosamine (6S)-5-MTHF (Quatrefolic®).

Les procédés de fabrication étant complexes, ces compléments alimentaires, coûtent bien plus cher que l’acide folique, mais ils sont d’une efficacité incomparable. Leur biodisponibilité est même, bien souvent, supérieure à celle des folates alimentaires.

Les réserves en vitamine B9 sont limitées à environ 3 à 4 mois dans l’organisme. Actuellement, aucun effet indésirable n’a été trouvé concernant l’ingestion de doses élevées de folates.


| A savoir :

Nous nous sommes concentrés sur la vitamine B9, mais il faut savoir qu’elle agit conjointement à la vitamine B12. Autrement dit, l’insuffisance ou la carence en vitamine B12 rend inutile l’apport en vitamine B9 et est donc tout aussi problématique que l’insuffisance ou la carence en vitamine B9. Ces 2 vitamines sont très liées.

Attention les compléments alimentaires ne sont pas anodins, ils peuvent interférer avec d’autres compléments, des médicaments, des traitements, et ne pas être adaptés à votre situation personnelle. Il est donc préférable de se faire conseiller par un praticien de santé avant toute automédication.

Naturellement,

Sabrina

Pour aller plus loin…

Génétique moléculaire de MTHFR

Implications on human fertility of the 677C–>T and 1298A–>C polymorphisms of the MTHFR gene